Les jeux vidéo et les jeunes

Elizabeth Rossé. Intervention au forum du Club Européen de la Santé. Mai 2006.

Le plaisir de jouer est l’objet des premières rencontres avec les jeunes venus en consultation au sujet de leur usage des jeux vidéo. La possibilité pour le jeune d’évoquer sa réalité virtuelle auprès d’adultes est souvent limitée : les parents ne veulent en général plus rien entendre de positif concernant l’ordinateur, celui-ci étant devenu l’objet de conflits intarissables.

Dans ces conditions, les joueurs ne peuvent en rien décrire le monde fantastique dans lequel leur avatar évolue, ils ne peuvent pas faire part de leurs prouesses : leur habilité, leur adresse, les réflexes et les réflexions déployées pour mettre au point des stratégies ne trouvent pas écho chez leurs parents. Pourtant, lors de ces premiers entretiens, ils sont fiers de rendre compte du type de personnage qu’ils ont choisi, du niveau qu’ils ont atteint et des responsabilités qu’ils assument au sein du jeu. Et pour qu’ils s’emparent de cet espace d’écoute, parler du jeu est une entrée en matière rassurante pour des jeunes qui disqualifient l’acte de parole.

De plus nombre de joueurs ne se sentent pas ou peu concernés par cette problématique. Ce constat se reflète dans les prises en charge actuelles. En effet, ces consultants, pour l’essentiel des jeunes garçons âgés entre 18 et 20 ans, viennent sur l’insistance de leurs parents. En fonction de cette situation se dégagent différents profils, non réellement de joueurs, mais de suivis :

– Certains ne se sentent pas concernés par cette problématique et au cours du premier entretien, ils restent sur cette position, considérant que leurs parents s’inquiètent de trop. Ils n’ont pas l’impression que leur existence soit mise à mal par leur engouement pour les jeux vidéo. Ainsi, ils ne voient pas l’utilité d’un suivi et ne souhaitent pas revenir. A ces jeunes, nous indiquons notre disponibilité pour une rencontre ultérieure s’ils éprouvent un problème lié à leur usage des jeux vidéo.

– Pour d’autres, ils effectuent cette démarche comme un devoir, presque scolairement. Ils viennent à 2 ou 3 entretiens, qui restent sans suite. Au cours de ces quelques séances, ils évoquent des difficultés liées soit à un contexte familial conflictuel, soit à une scolarité moins investie qu’antérieurement et à des incertitudes concernant leur orientation ; les deux entrant généralement en interaction. Mais ils ne font pas le lien avec leur manière de jouer. Cette non adhésion à la prise en charge peut s’expliquer d’une part, par le fait qu’ils ne se sentent pas complètement responsables de cette démarche et d’autre part, le fait de jouer leur procure du plaisir et un apaisement par rapport à leur situation de vie. Dans ces conditions, ils ne peuvent donner sens au suivi.

– Quelques uns, sans nécessairement être dans un usage pathologique, venus demander de l’aide souvent après la visite des parents (ces derniers ayant facilité l’accès à la consultation) s’appuient sur cet accueil pour poser leurs difficultés. En période de transition, passant d’un environnement plus ou moins structuré, « protecteur », à un temps marqué par l’incertitude, le doute et impliquant des choix, ils ressentent la nécessité d’une écoute spécifique. Dans cette période d’instabilité, l’engloutissement dans le jeu a pu être une réponse transitoire aux angoisses suscitées par les changements de l’adolescence. En général, ce sont des prises en charge de courte durée ( 6 mois environ ) où les jeunes sont à la recherche d’un soutien leur permettant une mise à distance.

– Enfin, une minorité de ces jeunes peut être qualifiée de dépendante. Ils sont le plus souvent à l’origine de leur demande d’aide ayant une conscience accrue de leurs difficultés mais n’arrivant plus à arrêter de jouer. La prise en charge est plus longue que pour les autres joueurs : l’addiction est plus installée et répond à un malaise antérieur important. Nombres d’entre eux ont développé une dépendance à un « M.M.O.R.P.G » (Massively Multiplayer Online Role Playing Game », c’est-à-dire à un jeu d’aventures en univers persistant (présentation Power point).

Les premières séances du traitement ont surtout consisté à leur permettre de parler du jeu, des rôles qu’ils peuvent tenir, des attentes comme des plaisirs qu’ils peuvent y prendre. Peu à peu, ils peuvent aborder leurs difficultés scolaires, les tensions intra familiales, qui ont de loin précédé les problèmes d’études et d’engloutissement dans le jeu. Nous avons affaire à des problématiques qui semblent rapidement mobilisables, et après moins de deux mois de suivi, à raison d’une séance par semaine, le cadre psychothérapeutique permet de dépasser les simples conseils d’aide au contrôle ou à l’abstinence du jeu, pour se rapprocher d’un suivi de jeune présentant des troubles phobiques, dans un contexte de difficultés familiales anciennes. Mais si cet abord relativise la place de l’addiction au jeu, qui apparaît plus symptomatique que processuelle, il met aussi en évidence une possibilité (qui est certes loin d’être la règle) de déplacement de symptôme, à travers les débuts d’une alcoolisation avec répétition des ivresses et/ou de dépendance affective. Le jeu a été un refuge, une façon de s’anesthésier, et aussi de transposer dans univers plus neutre ses conflits inconscients.

Réflexions générales :

La problématique adolescente est sous jacente à chacune de ces prises en charge mise à part pour les cas avec antécédents psychiatriques. Les jeux vidéos et les mondes parallèles qu’ils offrent, apparaissent comme de nouveaux médiums à la socialisation de jeunes en mal de reconnaissance et dont la principale difficulté est l’insertion dans le système de la société actuelle ; celle-ci leur apparaît souvent étrange, « flippante », semées d’embûches insurmontables. Chaque nouvelle difficulté rencontrée dans la réalité peut être une nouvelle raison pour préférer le monde virtuel, un arrangement qui réponde à leur désir d’adaptation psychologique dans une mouvance sociale qui les largue. Si la plupart des jeunes joueurs ne sont pas encore dans une démarche de demande d’aide, c’est certainement parce qu’ils ne se sentent pas en difficulté : celle-ci existe dans la réalité et non dans le virtuel.

La difficulté majeure sous jacente : au coeur de leurs préoccupations, établir des relations acceptables avec soi et les autres, construire une intimité… Le sujet des entretiens s’oriente rapidement sur leurs difficultés sur le plan affectif : « comment former un couple » est certainement l’une des questions qui les préoccupe le plus. Face à cette interrogation, ils se sentent démunis ; la plupart adopte des stratégies d’évitement de l’autre sexe, d’autres s’engagent dans des relations dans lesquelles ils établissent des liens fusionnels et destructifs. Souvent, ils ont vécu une forte déception amoureuse quelques années auparavant qui les aura beaucoup marqués. Pour ces jeunes, l’expérience amoureuse est par excellence une situation à « hauts risques », où la rencontre avec l’autre est à la fois source d’angoisses et de déception au vu de leurs attentes et de leurs désirs.

Le jeu : une porte ouverte vers le soin. Sans pour autant dramatiser, « pathologiser » des conduites, qui, au cours de l’adolescence peuvent constituer des « appels » ou des demandes très fortes de reconnaissance, un accompagnement peut former un appui non négligeable, moins dans l’idée de mettre fin à un comportement émergent et susceptible ou non de s’accentuer, que, dans ce temps délicat et difficile de l’adolescence, d’offrir un lieu, un espace et une écoute accessible. Il est notable que parmi les joueurs de jeux vidéos, nombreux sont ceux qui souffrent d’une forme de phobie sociale : avoir un contact et savoir qu’on peut les aider et ce, dans d’autres domaines de dépendance que ce qui les a amenés à consulter, permettra certainement une re-mobilisation ultérieure plus aisée.

Jeu vidéo et Internet : une nouvelle forme d’addiction chez les jeunes

Irène Codina. Intervention au Forum Européen de la Santé. mars 2006.

Les familles et principalement les parents – les conjointes étant peu nombreuses encore à consulter – ont commencé à venir nous exposer des problèmes de jeu vidéo fin d’année 2001 et ces demandes n’ont cessé de croître depuis : 9% de la file active en 2002, 25 % en 2003, 29 % en 2004, 36 % en 2005 (soit environ 60 familles).

En 2001, 2002, c’était très fréquemment après avoir entendu parler de ce sujet dans les médias et pensé que ce qui se passait chez eux ressemblait à ce qu’ils avaient entendu, que les parents venaient nous voir.

Assez souvent, quelques heures par jour passées devant l’écran suffisait à les affoler et pratiquement aucun ne pensait aux aspects positifs que le jeu en réseau pouvait présenter pour leur enfant.

Mais il existait quelques cas où les parents n’avaient pas vu qu’une dépendance s’installait. Leur enfant s’intéressait à l’informatique, ils trouvaient cet intérêt de bonne augure ou bien l’usage n’était pas exclusif donc pas préoccupant à leurs yeux.

C’est au moment où les résultats scolaires chutaient, où l’absentéisme s’accentuait au point de conduire parfois à une rupture de la scolarisation, où le rythme entre le jour et la nuit s’inversait, où l’alimentation et le sommeil se dégradaient, où la participation à la vie familiale et sociale s’étiolait voire disparaissait totalement, qu’ils cherchaient à consulter.

Il pouvait s’écouler plusieurs années avant qu’ils ne consultent spécifiquement pour ce problème, période marquée par des tentatives de négociation qui échouaient et épuisaient tant les parents que les enfants.

Cliniquement, nous observions schématiquement 3 types de situations :

– Un premier type où l’usage abusif ancien ou récent de jeunes ados dans la tranche des 14, 15, 16 ans, s’inscrivait dans un contexte de séparation parentale, avec conflits entre l’enfant et la mère, pouvant prendre un aspect de violence verbale ou physique de la part de l’enfant, le père restant dans la coupure, dans l’absence.

Il n’était pas rare que l’usage s’accompagne de troubles autres, somatiques ou psychosomatiques.

Dans ce cas, nous songions plutôt à une consultation spécialisée pour l’adolescent ou à des entretiens de thérapie familiale.

– Un deuxième type où l’usage abusif sur plusieurs années du jeune, dans la tranche des 18-20 ans, s’inscrivait encore dans un contexte de séparation, de divorce parental, avec interruption de la relation entre le garçon et son père.

Lorsque la prise en charge des parents permettait une réorganisation familiale, plus précisément une reprise des relations entre le père et le jeune, on constatait que la dépendance, s’estompait et qu’il était capable de resonger à des projets, notamment de reprise scolaire. Il s’agissait très souvent pour eux de s’orienter vers des écoles d’arts plastiques, d’infographisme ou d’informatique.

Une variante de ce type était représentée par les familles dans lesquelles les parents vivaient ensemble mais connaissaient des difficultés conjugales ou étaient particulièrement anxieux et avaient des perceptions différentes des difficultés de leur enfant.

Dans ce cas, il s’agissait plutôt d’un travail de réassurance pour les parents, en proposant des rendez-vous de temps en temps pour faire le point et de soutien personnel pour l’enfant.

– Un troisième type où la dépendance s’inscrivait dans un tableau de troubles plus sévères, phobies importantes, troubles psychotiques et là nous pensions plus à une orientation vers des CMP ou des CMPP, en parallèle parfois avec un suivi à Marmottan

Dans tous les cas, un usage abusif ou une dépendance au cannabis associé aux jeux video pouvait rendre une évolution favorable plus difficile à obtenir.

D’autre part, il était assez fréquent que le démarrage du jeu coïncide très exactement avec la survenue d’évènements familiaux douloureux : maladies, accidents, deuils, etc…

Qu’en est-il en 2005/2006 ?

Actuellement une majorité de familles viennent au sujet de garçons qui ne veulent rencontrer personne et dont l’usage ne s’assouplit pas au bout de quelques mois, ce qui arrive heureusement. Mais nous recevons aussi en plus grand nombre des familles dont les enfants sont demandeurs ou acceptent de plus ou moins bon gré une prise en charge à Marmottan.

– Les mères seules sont les plus nombreuses à consulter, suivies des couples parentaux. Il y a un peu plus de parents séparés que vivant ensemble, mais la différence n’est pas significative.

– Ces familles ne présentent pas, dans leur grande majorité, de profils socioéconomiques défavorisés.

– Les enfants joueurs dont ils viennent nous parler sont en gros pour la moitié mineurs/jeunes majeurs (15-21 ans) ; donc 50 % environ de jeunes âgés de plus de 21 ans.

– La majorité des parents consultent 1 à 3 ans après le début de l’usage. De plus en plus nombreux sont ceux qui consultent à titre préventif après seulement quelques mois.

– Quand il y a dépendance, ils ont du mal à estimer le moment où cela a commencé. Ils peuvent le faire quand l’usage dure depuis de nombreuses années, par exemple 9 ans. Là ils peuvent dire que leur enfant est dans une dépendance depuis 8 mois par exemple.

– 50 % des parents peuvent mentionner le nom du jeu ou le type de jeu choisi par leur enfant ; par exemple ils parlent de jeux de tirs ou de jeux de rôles ; donc 50 % disent ne pas avoir cherché à savoir, parce qu’ils n’y connaissent rien ou parce que cela leur insupporte trop. Certains disent également s’être fait rabroués lorsqu’ils ont essayé de savoir.

– En terme de problématique exposée, il faut distinguer ce qui constitue le sujet d’inquiétude voire d’abattement des parents, de leur plainte.

a) En ce qui concerne leur sujet d’inquiétude, il tourne principalement autour de deux points :

– Mauvais résultats scolaires répétitifs, absentéisme pouvant aller jusqu’à l’abandon de la scolarité comme nous l’avons déjà dit et de toute autre activité (loisir, sport), délaissement des relations affectives et sociales habituelles. Pour les plus grands, l’inquiétude concerne l’arrêt du travail.

En cas d’usage intensif, les parents ont le sentiment que leur enfant gâche ou détruit sa vie. L’idée de destruction est omniprésente. Ils relèvent l’absence de projets, une non anticipation du futur.

Certains parents constatent un usage simultané ou alterné de cannabis, s’accompagnant parfois d’amaigrissement ou de boulimie, ce qui noircit encore davantage le tableau à leurs yeux.

L’autre axe de leur inquiétude tourne autour de la mauvaise influence, du mauvais exemple donnés aux frères et sœurs plus jeunes et ils peuvent se sentir tiraillés entre le mal être qu’ils perçoivent chez le joueur et l’attention qu’ils doivent porter à leurs autres enfants.

b) En terme de plainte, lorsqu’ils estiment qu’il y a dépendance, ils sont assez nombreux à ne plus supporter d’avoir leur enfant à la maison, du fait qu’il n’est plus du tout dans les rythmes familiaux, qu’il est devenu impossible de l’extirper des jeux sans rentrer dans des conflits de plus en plus aigus.

Ces conflits sont illustrés, par exemple, par le fait que lorsque les parents optent pour une interruption d’internet ou pour une coupure radicale, les enfants peuvent trouver une compensation en jouant non stop sur des games-boys, en ne quittant pas la télévision ou en allant jouer à l’extérieur, chez des copains ou des salles en réseau ou en s’alcoolisant ou en fumant du cannabis. Lorsqu’il y a poursuite du jeu chez des copains accrochés eux aussi, il leur faut alors trouver une gestion commune avec les parents de ces copains, ce qui n’est pas simple.

Dans certains cas, les parents découvrent que l’enfant leur vole de l’argent pour pouvoir continuer à jouer, qu’il leur a subtilisé leurs cartes de crédit.

D’autres se voient menacés par leurs adolescents d’une disparition définitive de la maison, de tentatives de suicide.

Parfois, ils sont confrontés, quand il s’agit de majeurs, à des épisodes de violence envers les objets ou envers eux-mêmes.

Lorsque les mères séparées du père tentent de refaire leur vie, il est assez fréquent qu’elles se sentent dans la situation impossible de devoir choisir entre une vie avec leur enfant dépendant ou une vie de couple avec leur nouveau partenaire.

Certains parents font alors le choix de placer leur enfant en internat lorsqu’ils sont élèves ou étudiants ou de les loger en dehors de la maison lorsqu’ils sont majeurs en assumant financièrement les charges ; à la fois pour se protéger des conflits et pour les obliger à s’investir autrement, c’est-à-dire à étudier ou à travailler. Mais ils constatent avec amertume que le jeune s’enfonce généralement encore davantage dans le jeu, qu’il ne se nourrit plus, qu’il manque d’hygiène personnelle, que son logement parfois se transforme en taudis.

Les parents cherchent toujours à comprendre ce qui a pu amener leur enfant à la dépendance. C’est dans ce but qu’ils se penchent sur l’histoire de l’enfant et de la famille, sur l’éducation qu’ils ont apportée à propos de laquelle il recherche leurs « erreurs ».

De ces récits il ressort une grande variété dans les difficultés rencontrées. Nous ne décelons aucune situation type.

Certains parents font état de difficultés scolaires de toutes sortes dans le primaire, au collège. D’autres, par contre, se demandent comment leur enfant qui a suivi une scolarité brillante et mené des études supérieures peut tout cesser brutalement un jour à 23, 24, 25 ans, pour jouer non stop pendant des mois et des années.

Certains sont effarés d’entendre le jeune dire qu’il ne veut absolument pas s’insérer dans la société et de constater qu’il ne le fait effectivement pas pendant des années.

Il est assez fréquent qu’ils fassent un lien entre une déception amoureuse chez leur enfant et le début d’un usage qui devient une dépendance.

Les parents perçoivent très souvent leur enfant comme étant introverti, ayant peu confiance en lui. Plus rarement, d’autres les décrivent comme ouverts, exubérants voire nerveux depuis longtemps puis subitement renfermés.

Les mères mettent souvent en avant un manque de relation chaleureuse entre le père et l’enfant due à une absence du père de la vie familiale ou à une non communication ; des difficultés conjugales anciennes ou concomitantes de la période de jeu, des divergences d’appréciation des difficultés de l’enfant aboutissant à des conflits.

Quelquefois, elles reprochent à leurs maris d’avoir beaucoup joué eux-mêmes aux jeux video, d’avoir initié et entretenu leurs fils dans ce type de jeux, créant une complicité entre eux à leur détriment.

Il apparaît quelquefois que l’enfant présente des troubles de la personnalité non pris en compte par la famille pour qui l’idée de troubles psychiques est insupportable ; ou qu’il a interrompu son traitement depuis longtemps, mais la famille souhaite qu’il vienne consulter avant tout pour son usage de jeu video.

En ce qui les concerne, les parents font parfois états d’épisodes dépressifs, d’épisodes d’alcoolisation, de tentatives de suicide, antérieurs à l’usage du jeu ;

Certains disent être suivis depuis longtemps pour des troubles tels que une dépression maniaco-dépressive ou une schizophrénie.

D’autres rapportent des périodes de vie professionnelle particulièrement difficiles.

Dans d’autres cas, ils révèlent que l’atmosphère familiale a été imprégnée en permanence de violence.

Tricoter et détricoter l’histoire familiale, telle que les parents la vive peut faire partie bien entendu de l’objet de nos rencontres mais une grande proportion demande une aide qui tienne compte de leur situation concrète au jour le jour.

Cette aide que nous allons tenter de leur apporter, tant pour leur enfant que pour eux-mêmes, dépend naturellement du niveau de gravité que l’on perçoit dans la problématique de l’enfant et du niveau de détresse que l‘on perçoit chez eux.

Cela peut aller de la simple réassurance, en leur faisant valoir notamment ce que les jeux video peuvent apporter de positif à leur enfant, en passant par des réflexions sur les risques que peut comporter une suppression radicale d’internet chez un enfant lourdement déprimé, jusqu’à des conseils autour de la gestion budgétaire de la vie de l’enfant lorsqu’il utilise manifestement l’aide financière de ses parents pour payer son jeu et le cannabis ou autour de leur cohabitation avec lui, quand la vie familiale trop conflictuelle engendre une souffrance importante chez les uns et les autres.

Comment se pose aujourd’hui la question du sevrage : les traitements de substitution doivent-ils constituer les traitements de première intention dans la dépendance aux opiacés ?

M. Valleur, Centre Marmottan, Paris.
Extrait de la conférence de consensus sur les stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution, juin 2004, Lyon.

“« This odious disease, for by that name it should be called » (B. Rush : An inquiry on the effects of ardent spirits upon the human body and mind, 1785.)

« La guerre que la profession médicale livre à certaines drogues, tout en en prônant d’autres, n’est qu’un des multiples épisodes de la longue histoire de sa participation aux conflits politiques, nationaux et religieux » (T. Szasz, 1973)

« Treatment of addiction is as successful as treatment of other chronic diseases such as Diabetes, Hypertension, and Asthma » (N.I.D.A : Principles of drug addiction treatment, 1999)”

L’aspect technique et médical des questions posées dans le cadre d’une conférence de consensus ne doit pas masquer le fait que le traitement de la dépendance aux opiacés ne peut s’aborder en dehors du contexte plus vaste de la place, dans la société, de l’intervention en toxicomanie, qui participe à la régulation de l’usage des substances psychoactives.

Politique de réduction des risques, prise en compte des impératifs de santé publique : les changements considérables qui sont intervenus depuis une dizaine d’années dans ce champ, notamment du fait de la pandémie de sida, et aujourd’hui de l’hépatite C, font que les pratiques de substitution recouvrent des réalités très diverses et des objectifs différents. Il est, de façon générale, difficile de savoir dans les bénéfices de la substitution quelle part revient à des éléments sociologiques, comme le fait, pour les usagers, de disposer de produits médicamenteux à faible coût et possiblement moins dangereux que des substances illicites. Certaines formes de mésusage, comme les détournements créant un marché clandestin de produits de substitution, peuvent être perçus comme un échec sur le plan thérapeutique, mais avoir certains effets bénéfiques sur un plan collectif, en constituant un moindre mal, par rapport à la situation antérieure…

Les discours médicaux et scientifiques ne peuvent être indépendants de ce contexte plus large, et la définition de bonnes pratiques ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la « philosophie » de l’intervention.

Les sens multiples du mot sevrage

Dans ses conclusions, la conférence de consensus sur le sevrage des sujets dépendants des opiacés notait (Fédération Française de Psychiatrie, A.N.A.E.S, 1998) un glissement sémantique, donc une possibilité de flou et de confusion concernant le terme même de sevrage. Ce mot est en effet désormais à deux sens, renvoyant tantôt de façon classique au « manque », au syndrome de sevrage, à la privation de toute substance apparentée à « la drogue » (ici les opiacés), tantôt au traitement de la toxicomanie, traitement qui inclut – et le plus souvent en première intention – le recours aux opiacés de substitution.

Le sevrage au sens 1 – traditionnel – désigne donc l’absence de toute prise d’opiacés, tandis que le sevrage au sens 2 – actuel – s’accommode du maintien de la dépendance aux opiacés.

Encore faut-il souligner que « dépendance » est aussi un terme polysémique : il s’agit ici de la dépendance « physiologique », dépendance au sens traditionnel de l’O.M.S, d’interaction entre un être vivant et une substance, avec création d’un besoin pour cette substance, mais non une « centration » de l’existence, une addiction pleine au sens « D.S.M » ou « C.I.M » de la dépendance à une substance.

C’est la deuxième acception qui paraît devoir être privilégiée ici, les traitements de substitution, y compris la « maintenance » ou l’entretien au long cours, voire à vie, constituant l’une, et sans doute la principale modalité du « sevrage » des sujets dépendants des opiacés.

Il est en effet admis que cette maintenance au long cours est le mode de prise en charge à privilégier en matière de dépendance à l’héroïne ou à d’autres opiacés, et ce fait est même – puisque la maintenance n’est réellement prônée que pour elle – l’une des principales caractéristiques de cette forme de dépendance. Il n’existe en effet guère de traitements de maintenance dans d’autres pratiques addictives, où le sevrage – au sens 1 ou traditionnel – et l’abstinence, la prévention des rechutes, l’accompagnement au long cours, gardent une place prépondérante.

Les pratiques actuelles des centres de soin ont encore compliqué cette polysémie du « sevrage » :

Il se pratique en effet de plus en plus des « sevrages sélectifs », c’est-à-dire – en hospitalisation ou en ambulatoire – des traitements pour cesser totalement certaines consommations, ( alcool, benzodiazépines, cocaïne, etc…) tout en gardant un traitement de substitution. Ainsi que cela avait été plusieurs fois souligné dans la conférence sur le sevrage, la « polytoxicomanie » est en pratique plus la règle que l’exception, et le sevrage garde une place centrale dans la prise en charge des dépendants aux opiacés… Mais il ne s’agit que rarement, ou partiellement, de sevrage d’opiacés.

Nombre d’actions thérapeutiques visent aussi non le sevrage pur et simple, mais le rééquilibrage de traitements, et constituent parfois des « sevrages partiels », avec par exemple arrêt des injections, mais maintien de la délivrance du produit en cause, ou diminution des doses…

Il convient par ailleurs de noter une autre évolution dans la place du sevrage au sens 1 :

Longtemps, les traitements de substitution ont été considérés comme un pis-aller, une solution de dernier recours, voire un traitement palliatif chez des héroïnomanes anciens, après nombre d’échecs des « désintoxications » et de rechutes après des sevrages qui constituaient le traitement de première intention.

Aujourd’hui, c’est plutôt l’abstinence totale et le sevrage au sens 1 qui sont renvoyés à un futur aussi lointain qu’hypothétique : il est souvent admis que le but du traitement doit être l’abstinence, mais que ce but est en quelque sorte secondaire à la réussite de l’équilibre, au long cours, par un traitement de substitution. Celle-ci est donc considérée comme un traitement de première intention, même si le sevrage et l’abstinence doivent toujours être proposés ou accompagnés, si les patients le veulent, ou s’il s’agit de jeunes, dont la dépendance n’est pas réellement installée.

L’existence de « primo toxicomanies » aux produits de substitution montre le risque d’une interprétation par trop mécanique de la notion de « traitement de première intention »…

Mais il faut par ailleurs souligner que l’abord médical – celui des « guidelines » de prescription de la substitution – n’est pas la seule référence des différents intervenants en toxicomanie ou en addictions : des approches non médicalisées, comme celles des groupes d’entraide de type Alcooliques anonymes – Narcotiques anonymes, ou d’institutions se référant aux traitements de conversion en douze étapes (le « modèle Minnesota » du centre Hazelden en Amérique du Nord, ou du centre Apte en France) gardent l’abstinence totale comme but et moyen du traitement. L’attrait exercé par ces groupes ou ces communautés montre la persistance d’une forte demande pour les « drug-free treatments », le sevrage et l’abstinence.

Ceci doit, au quotidien, inciter les cliniciens à prendre au sérieux les demandes de sevrage ou d’arrêt de la substitution.

Arrêter la substitution ?

La littérature scientifique tend actuellement à refuser tout bien fondé à ces demandes, et à ne les interpréter que comme illusions dangereuses ou résultats d’une pression « idéologique » de l’entourage (Déglon, 2003). La volonté de promouvoir la méthadone comme médicament, et à la différencier des « drogues » peut conduire à des ruptures entre les soignants et des soignés qui voudraient diminuer ou cesser la prise de ce médicament. Un clivage radical pourrait s’instaurer entre des prises en charge « officielles » de type médical privilégiant la maintenance, et des prises en charge « alternatives » par les groupes d’entraide ou des communautés renvoyées à la clandestinité.

Une attitude plus souple devrait s’imposer, gardant une place à la possibilité de sevrage au sens 1… Mais elle implique une réflexion sur le statut de la dépendance par rapport à d’autres maladies, sur la mutidimensionnalité des problèmes soulevés, comme sur la place de la chimie dans le traitement, entre traitements d’équilibre et traitements d’expérience.

Les opinions divergent sur les réponses à donner aux demandes de sevrage, comme il n’y a guère de consensus sur la durée optimale des traitements de substitution. La littérature penche plutôt en faveur de traitements à vie, les risques de rechute étant très importants même à distance de la période de toxicomanie active. Certains auteurs sont à ce sujet si catégoriques qu’ils interprètent toute demande de fin de traitement comme un symptôme dépressif méritant systématiquement … une augmentation de traitement (Déglon, 2000).

La conviction de beaucoup tient semble-t-il à l’idéologie nouvelle qui promeut activement une vision biomédicale des dépendances : si celles-ci sont des maladies chroniques, liées à des perturbations définitives des circuits dopaminergiques, il faut considérer le traitement substitutif comme une suppléance à vie sur le modèle du diabète ou d’une insuffisance hormonale.

Cette vision de la toxicomanie comme un trouble irréversible est en fait discutable :

– Toutes les dépendances sont des problématiques longues, dans lesquelles les rechutes sont fréquentes, et où les résultats devraient être évalués au très long cours. Les comparaisons entre les modes de prise en charge doivent tenir compte de la « maturation spontanée » (maturing out), c’est-à-dire du fait qu’une « carrière » de dépendant, même en dehors de toute prise en charge n’est pas éternelle (voir p.ex L. Nadeau, 2001). Les modes de sortie de la toxicomanie sont variés, et ne passent pas toujours par la voie du traitement médicalisé (voir Castel et coll, 1998 ). Ce qui est vrai de l’alcoolisme, du jeu pathologique, de la cocaïnomanie, est aussi valable pour la dépendance aux opiacés.

– Après un temps long de « maintenance » et d’équilibre, certains patients diminuent les doses et souhaitent mettre fin au traitement : cet objectif n’est, au très long cours, pas irréaliste ( p. ex. Reisinger, 2000, Hiltunen et coll, 2002).

Si les arguments convergent pour que les traitements puissent être utilisés au très long cours, voire à vie, en déduire, comme le font de très nombreux auteurs, que la dépendance correspond à une altération irréversible de circuits cérébraux, et que l’équilibre médicamenteux doit traiter tous les problèmes présentés par les toxicomanes paraît un court-circuit logique quelque peu hâtif.

Abord biomédical et abord psychosocial : la complexité de la clinique

Les « guerres de la substitution » qui ont eu lieu en France doivent être relues comme un épisode de la confrontation entre des conceptions qui s’opposent, en matière de toxicomanie, d’alcoolisme, de dépendances, depuis fort longtemps :

D’un côté, les tenants d’une vision médicale et biologique de la dépendance vont décrire celle-ci comme le résultat de l’interaction entre une substance et une personne, voire entre une molécule et une synapse. La toxicomanie, les dépendances, l’addiction, sont présentées comme une « maladie du cerveau », c’est-à-dire une perturbation durable ou définitive des circuits cérébraux. Conformément aux idées défendues depuis les années 60 par Dole et Nyswander (1965) le traitement consiste à rééquilibrer un système perturbé dans son équilibre cybernétique (p.ex. Koob et Le Moal, 1997) en fournissant, de façon continue et définitive, les éléments manquants. Il existe actuellement une pression forte et militante pour faire entrer les dépendances dans le champ de la médecine somatique, aux côtés du diabète, et en parallèle, une disqualification des discours non strictement médicaux, sociologiques ou psychologiques.

Les progrès scientifiques en neurobiologie sont mis en avant, alors même que les implications cliniques n’en sont pas toujours évidentes. Une « scientifisation » des discours pourrait en venir à remplacer une réflexion clinique, et ne fait parfois que maintenir un bizarre dualisme, comme si le cerveau des neurobiologistes et la psychologie n’étaient pas simplement deux abords d’une même problématique. Par exemple, une phrase comme « les stimuli associés aux aliments, à l’eau et à la reproduction activent tous des voies cérébrales spécifiques et renforcent les comportements qui conduisent à la réalisation des objectifs correspondants. Les substances psychoactives activent artificiellement ces mêmes voies, mais de manière extrêmement forte, conduisant à un renforcement de la motivation à poursuivre ce comportement » (O.M.S, 2004) contient, indéniablement, une proposition vraie. Mais on peut se demander si elle apporte beaucoup de nouveauté par rapport à une vision classique, qui ferait dire « les drogues procurent un plaisir artificiel, plus fort qu’un orgasme sexuel »…

Il y a donc une volonté active dans la littérature scientifique de faire entrer les dépendances dans un champ médical : ce mouvement est en marche depuis 1785 et le premier travail de B. Rush sur les spiritueux, avec l’idée que devenir malade est déjà un grand progrès par rapport aux visions morales et religieuses des abus et des dépendances.

Cette inscription de la toxicomanie dans le champ de la médecine a été historiquement renforcée par la pandémie de sida, les approches de santé publique, le besoin de recourir aux médecins généralistes comme intervenants de première ligne.

Dans cette optique, la psychopathologie peut certes garder une place, mais en tant que « psychologie du pathologique » (Minkowski, 1999 ) : il s’agit d’aborder les sujets comme porteurs d’une maladie, qui ne saurait être réduite à un symptôme, et constitue un processus morbide à part entière. Cette « psychologie du pathologique » est elle-même multiple, et les modalités d’interventions ne sont pas les mêmes pour la maladie d’Alzheimer, le diabète, ou la schizophrénie. Le postulat incantatoire « la toxicomanie est une maladie, et la méthadone est son traitement » devrait souvent être plus détaillé…

– D’un autre côté, la fin des années soixante avait vu l’émergence de conceptions nouvelles en matière de toxicomanies, qu étaient venues nuancer, voire invalider, les « modèles de maladie » de type médical et scientifique, jugés par trop réducteurs.

Nombre d’éléments scientifiques, culturels ou historiques étaient en effet venus battre en brèche les visions médicales des dépendances, qui prévalaient depuis plus d’un siècle, et qui étaient basés sur l’interaction entre la substance et l’organisme.

De façon très rapide, on peut citer parmi les éléments de cette « crise paradigmatique » (Nadeau, 1988), les études (Marlatt 1985), sur les effets placebo de l’alcool, le paradoxe des soldats du Vietnam (qui ont en grand nombre « guéri » spontanément de leur héroïnomanie avec pour traitement la fin de la guerre et le retour au pays), l’émergence de nouvelles formes de toxicomanies chez les jeunes… Bref, tous les éléments qui obligèrent les cliniciens comme les chercheurs de toutes disciplines à faire une place, dans la genèse et le maintien des troubles, à l’environnement, au contexte, au « moment socio-culturel. Au plan théorique, cette remise en cause des approches biomédicales permit de redécouvrir des approches sociologiques et anthropologiques.

Au plan institutionnel, elle conduisit à l’émergence de nouvelles réponses et de nouveaux intervenants, pour la plupart situés en dehors des grandes institutions et du champ de la médecine.

Cliniquement, les nouveaux intervenants ont alors développé – en opposition au modèle biomédical – des théorisations « psychosociales » dans lesquelles usage de drogues et dépendances sont à comprendre comme un symptôme plus que comme un processus morbide, ramenant en quelque sorte la psychopathologie à une « pathologie du psychologique ».

Ils furent confortés dans leurs conceptions par les nombreux récits de patients aux enfances plus que mouvementées qui entérinèrent à la fois une vision de la toxicomanie comme automédication et une « hypothèse psychotraumatique » des troubles, ou le fameux « miroir brisé » (Olievenstein, 1982).

Ainsi s’explique « l’hégémonie du paradigme psychanalytique » dont parle le sociologue H. Bergeron (1999) ainsi que la méfiance envers les médicaments, vécus comme susceptibles de camoufler les problèmes plus que de les traiter, comme envers les thérapies trop directives qui pourraient n’être qu’un moyen de normaliser des comportements, sans aborder la question de fond des causes de la souffrance des patients.

Les excès ou les « intégrismes » de certains ont souvent conduit à une radicalisation des discours, voire à des affrontements entre des idéologies opposées, indépendamment d’ailleurs de la réalité, toujours très complexe, des pratiques.

Évidemment, les abords théoriques des dépendances doivent tenir compte de la part de vérité contenue dans toutes ces conceptions, et la toxicomanie devrait être conçue comme une entité à deux faces, à la fois symptôme et processus. La thérapie devrait pouvoir, au cas par cas et selon les moments de la trajectoire du sujet, répondre aux besoins de traitement de la « maladie » de la dépendance, et resituer le « symptôme » dans l’histoire individuelle du sujet, en lien avec sa structure psychologique. Cette double face du traitement pose de façon particulièrement aiguë la question de l’intégration de la pharmacothérapie (y compris, mais non seulement des traitements de substitution) et de la psychothérapie, avec ce qu’elle implique de transfert et de contre transfert, bref de référence à la psychanalyse, et en quoi elle sera toujours difficile à objectiver et à évaluer (voir Derrida, 2003).

Le caractère multidimensionnel des toxicomanies ou des dépendances rend illusoire l’idée d’une modalité de traitement unique, adaptée à tous les cas, à tous les moments de leur trajectoire : souvent la dépendance physiologique est au premier plan, et il serait abusif d’engager dans des approches psychologiques ou psychiatriques des sujets qui ne le souhaitent pas ou qui n’en ont pas besoin. Mais pour d’autres, il est évident que la dépendance s’inscrit dans une constellation de difficultés majeures, tant psychologiques que sociales, et réduire le traitement à sa part pharmacologique fait alors courir le risque d’une escalade inappropriée.

Traitements d’équilibre, traitements d’expérience

Ces débats qui ont agité le champ des toxicomanies autour de la question des traitements de substitution doivent aujourd’hui nous aider à mieux penser la place de la pharmacothérapie dans le domaine de la souffrance psychique, et particulièrement les liens entre psychothérapie et chimiothérapie (Valleur, Matysiak, 2002). De manière générale, les abords théoriques des addictions tendent à rendre caduques les guerres entre chapelles opposées : psychanalyse contre biologie, ou contre comportementalisme, pour mettre l’accent sur l’intégration des différentes dimensions, notamment biologie et psychologie.

La promotion des traitements de substitution pour les toxicomanes, dans les années 90, a eu deux grandes séries de justifications : d’une part, leur impact, notamment dans la lutte contre le sida, comme instruments supposés de la réduction des risques. D’autre part, la diminution, pour les usagers, de l’impact très négatif des politiques prohibitionniste, réalisant en quelque sorte une forme médicalement encadrée de légalisation.

Ces deux séries de fonctions ne sont guère d’ordre strictement thérapeutique, mais constituent plutôt des réponses sociales, à travers la facilité d’accès à des substances autrement prohibées. Il est toujours difficile, dans les évaluations des apports des pratiques de réduction des risques et de la substitution, de faire la part de ces facteurs purement sociologiques : « Les traitements de substitution s’intègrent à une conduite, à un mode de vie, à une consommation d’une gamme de substances qui permettent aux usagers une gestion moins chaotique et moins dangereuse, mais pas sans risque, de leurs usages de drogues et de la recherche de sensations, de relations, d’expériences » (Lert, 2002).

Les justifications proprement médicales, telles que présentées dans les manuels internationaux, sont d’un autre ordre : initialement par exemple, c’est un modèle métabolique de maladie qui sous-tendait les expérimentations de Vincent Dole et Mary Nyswander dans les années 60 aux Etats-Unis sur la méthadone auprès des héroïnomanes.

Leur idée était à la fois de prévenir des symptômes de sevrage, et d’obtenir un « blocage » des effets de l’héroïne. La buprénorphine (Subutex) est dans cette optique l’un des meilleurs médicaments de substitution : agoniste partiel des opiacés, elle « bloque » les effets des autres opiacés, et procure moins d’euphorie…

Toujours dans cette optique, les traitements de substitution sont évidemment des « traitements d’entretien » ou « de maintenance », destinés à équilibrer des mécanismes cérébraux : Il s’agit en quelque sorte de garder la dépendance, mais non l’addiction au sens plein du terme, et cette stratégie, dans nombre de situations, est fondée : il existe des dépendances aproblématiques, et c’est une visée thérapeutique légitime que de transformer en simple dépendance, sans difficultés psychologiques ou sociales, une addiction au sens plein…

Mais tant que les patients sont, eux, dans une recherche d’éprouvés, de sensations, d’expérience, il risque d’y avoir des malentendus quant à ce qui est attendu des médicaments : d’un côté l’équilibre et l’absence d’effet, de l’autre la quête de « défonce », d’éprouvés violents…

Même au niveau d’une approche de type psychopathologique, nous sommes ici dans un contexte de « traitements d’équilibre », qui prévaut dans l’ensemble du champ des troubles psychiques ou des maladies mentales.

Les neuroleptiques, pour les psychoses, ou les antidépresseurs, sont en effet considérés comme des traitements qui doivent être pris très régulièrement, pour de très longues périodes, sinon pour la vie entière.

Ces « traitements d’équilibre » justifient le recours récurrent dans la littérature à la métaphore de l’insuline et du diabète : ils correspondent à une maladie qui est perçue comme dysfonctionnement permanent d’une fonction physiologique, la dépendance au traitement n’étant que la suppléance de la dépendance normale, physiologique, à la substance naturellement produite par l’organisme.

A ces traitements d’équilibre, il serait possible d’opposer des « traitements d’expérience », qui ont d’autres visées, et qui correspondent à une conception différente des troubles en cause.

Les hospitalisations pour sevrage, les séjours en centres de post-cures, qu’il s’agisse d’alcoolisme, de toxicomanie, de troubles des conduites alimentaires, constituent essentiellement des expériences de vie différente, notamment fondées sur le changement du cadre, du contexte de vie : la base physiologique de ces traitements peut se trouver dans les expériences animales, qui ont démontré le caractère déterminant du contexte dans le maintien ou la fin de la dépendance (on peut rendre un rat dépendant de l’héroïne ou de la cocaïne, au point qu’il se laisse mourir de faim, simplement parce qu’il préfère la drogue. Mais le changement de cage peut mettre fin à cette dépendance : v. p . ex. Simon, 1997).

La visée de ces traitements n’est plus l’instauration d’un équilibre au long cours, mais le vécu d’une expérience, dont le thérapeute espère qu’elle puisse, de façon durable, marquer la mémoire du sujet, modifiant ainsi sa relation à l’objet de l’addiction.

Nous voyons ainsi qu’en matière de dépendance aux drogues, il est erroné, sur le plan logique, d’opposer, comme le font trop d’auteurs, des stratégies thérapeutiques fondées sur le sevrage et l’abstinence, à d’autres stratégies, fondées, elles, sur la substitution et la « maintenance ».

En effet, constituant un état, un équilibre au long cours, la substitution est du même registre logique que l’abstinence, telle que la vivent les membres Alcooliques anonymes, c’est-à-dire un traitement à maintenir toute la vie, sous peine de rechute et de mort.

Le sevrage, en tant que simple expérience, qui peut simplement permettre au sujet de « rechuter », de retrouver des sensations de « défonce » plus fortes, une fois la tolérance dépassée, est, au contraire, non logiquement du côté de l’abstinence, mais de celui de l’éprouvé, de la sensation, de l’expérience, voire de la « défonce ».

Il est inutile de souligner que les traitements d’équilibre ont la faveur des scientifiques, et celle des laboratoires pharmaceutiques, depuis la grande révolution pharmacologique des années 50.

Il est infiniment plus rentable de promouvoir un traitement régulier, au long cours, si possible pour la vie, qu’une expérience unique, éventuellement renouvelable, mais de façon sporadique.

Au point que si l’on imaginait un traitement efficace, en une seule fois, des dépendances ou plus généralement de maladies, il est peu probable qu’un laboratoire accepterait d’y investir des moyens : l’efficacité thérapeutique, dans cette fiction, s’opposerait trop à l’efficacité commerciale.

L’histoire des traitements en psychiatrie montrerait au cours du XXème siècle un désinvestissement progressif de traitements d’expérience, au profit de traitements d’équilibre.

Longtemps, les traitements furent en effet conçus comme des expériences radicales, voire de véritables épreuves, parfois dangereuses, dont le sujet était censé sortir radicalement transformé.

Depuis le XVIIème siècle s’étaient développés ces traitements « de choc », depuis l’immersion subite dans l’eau froide, aux douches, aux tourniquets, et autres mécanismes destinés à surprendre, à déstabiliser les sujets, pour modifier, par une expérience extrême, leurs relations au monde.

C’est la révolution pharmacologique des années 50, avec pour modèle de traitement les neuroleptiques, puis les antidépresseurs, qui devait imposer une perception de la chimiothérapie psychiatrique comme traitement d’équilibre.

Ces rappels peuvent nous aider à comprendre pourquoi les premières expériences de traitements par hallucinogènes, avec le L.S.D. à la fin des années 60, ou les propositions plus récentes d’utilisation de l’ibogaïne ou de l’ayahuasca en toxicomanie ne devaient pas entrer dans le courant dominant des dogmes médicaux et pharmaceutiques.

Il convient pourtant de faire aujourd’hui une place nouvelle à la notion de traitements d’expérience, et de développer les réflexions sur un champ de recherches pratiquement abandonné.

Pour une pratique souple de la substitution

Alors que l’efficacité de la substitution tient, en grande partie, à la dépendance qu’elle induit, et à l’absence de modifications importantes de l’état de conscience des sujets, à certains moments, les mêmes sujets vont, précisément, vouloir retrouver des effets psychoactifs que la substitution n’apporte plus.

Une alternative aux traitements de substitution est la délivrance des substances même que recherchent les toxicomanes, et particulièrement l’héroïne, qui a fait l’objet d’expériences de distribution contrôlée, avec des résultats fort intéressants, qui doivent permettre de relativiser la notion de dangerosité des substances.

Elle démontre toutefois qu’à côté de la « maintenance », et parfois de l’aide au maintien de l’abstinence, se trouve la place de l’accompagnement des rechutes (et non simplement de la prévention des rechutes), et que la prescription, pour les toxicomanes, de substances psychoactives majeures, hors d’une optique de traitement d’entretien, pourrait trouver une place.

Plutôt qu’opposer ces approches, il faudrait imaginer qu’elles soient des propositions, des outils correspondant à des étapes différentes de la « carrière » du sujet, le long d’un chemin thérapeutique, plutôt qu’un « programme » rigide.

Il est admis que la rechute fait partie intégrante des traitements de toutes les addictions : alcool, tabac, drogues, jeu et troubles des conduites alimentaires, et qu’en l’acceptant, elle fait alors partie du chemin thérapeutique et peut devenir une étape maturante. Plus qu’une prévention des rechutes, la prescription d’héroïne pourrait constituer un exemple d’organisation et d’accompagnement de la rechute, à la fois dans une optique thérapeutique, et dans un objectif de réduction des risques.

L’expérience d’une prescription d’héroïne n’aboutirait pas forcément à une substitution à l’héroïne, la prescription de psychotropes pourrait être négociée, et discutée, au fur et à mesure de l’accompagnement thérapeutique.

L’intégration des traitements, à l’intérieur du cadre de la relation psychothérapeutique, est en effet l’un des moyens majeurs d’intégrer les dimensions psychologiques et biologiques de la dépendance.

Le traitement est alors négocié entre thérapeute et patient, en fonction de l’expérience qu’il produit, et de son caractère éventuellement positif : cette expérience entre dans le cadre de ce que L. Binswanger aurait appelé, (à une époque où les frontières entre neurologie et psychanalyse étaient d’actualité) « l’expérience intérieure de vie » et non des « mécanismes vitaux ».

Nous sommes ici éloignés du consensus entre psychiatres et laboratoires pharmaceutiques, selon lequel « la chimiothérapie rend le patient accessible à la psychothérapie » : ce consensus correspond aux approches dominantes depuis les années 50-60, c’est-à-dire depuis la grande révolution psychopharmacologique.

Ici, il conviendrait plutôt de dire que la qualité de la relation thérapeutique permet l’expérience de traitements, dont la gestion, en fin de compte, reviendra au sujet concerné.

L’importance de l’ambiance des centres de soin, de la qualité relationnelle entre thérapeute et patient est régulièrement évoquée dans toute la littérature, mais il s’agit d’éléments mal évaluables, donc souvent relégués au rang de pétition de principe. L’alliance thérapeutique est pourtant l’élément essentiel, le cœur d’une prise en charge, qui permet seul de moduler et d’adapter le recours aux différents outils, dont les médicaments.

Une critique est souvent faite, en clinique, aux traitements de conversion de type Alcooliques anonymes : l’idéal d’abstinence y est porté si haut que tous les traitements psychotropes y sont sinon systématiquement bannis, du moins mal vus, et que des patients y sont conduits à vouloir cesser de prendre des médications antidépressives, neuroleptiques, anxiolytiques… L’abstinence révèle certes une psychopathologie sous-jacente, mais le remède peut donc s’avérer pire que le mal.

Une rigidité médicale, qui entraînerait une « crispation » idéologique des soignants envers toute tentative de réduction ou d’arrêt de la substitution pourrait, en miroir, devenir très contre-productive.

L’expérience du Centre Marmottan, lieu emblématique des conceptions psychosociales des années 70, et de la construction d’un « Toxicomane » symbolisant à la fois souffrance de l’exclusion et révolte ou marge revendiquée dans l’accès au plaisir, tend à montrer que la pratique de la substitution peut s’accorder à des visions assez peu médicales de la toxicomanie.

Mais surtout que le traitement pharmacologique peut, de façon souple, au cas par cas, être intégré pleinement à la relation thérapeutique.

En pratique, lorsque l’on dispose des moyens suffisants pour mettre en place un pôle de délivrance quotidienne des médicaments, associé à des propositions de suivi psychothérapique et social, les différences pharmacologiques entre buprénorphine et méthadone apparaissent moins importantes que les autres aspects de la prise en charge. Les comorbidités de tous ordre n’entraînent pas obligatoirement une proposition d’augmentation de la substitution, mais une diversification des réponses (Blaise et coll, 2002 )

Le traitement doit plus être conçu comme un accompagnement au long cours que comme un programme préétabli, ce qui permet une renégociation, au fur et à mesure de l’évolution, entre l’équipe et le patient, tant des objectifs du traitement que de ses modalités. La substitution est tantôt perçue comme « dépannage » ponctuel, tantôt comme sevrage plus ou moins dégressif, tantôt comme maintenance. Aucune de ces utilisations n’est, en soi, bonne ou mauvaise : c’est au très long cours que devra s’évaluer l’ensemble de la prise en charge, au regard de critères très divers, mais parmi lesquels la subjectivité du patient doit garder une place primordiale.

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