Par Aram Kavciyan
Les addictions en général et la dépendance à des substances psychotropes licites ou illicites en particulier sont caractérisées par une évolution variable qui comporte très fréquemment ce qu’on appelle des rechutes. Aussi il arrive très souvent qu’une même personne effectue au cours de l’évolution de sa dépendance, plusieurs voire de nombreuses cures de sevrage. Que faut-il penser de la multiplicité de ces cures ?
Il convient de comprendre qu’un sevrage n’est pas une simple désintoxication. Il s’agit d’une entreprise très compliquée. L’abandon de conduites de dépendance qui infiltrent toutes les dimensions de l’existence et conditionnent toute la vie intérieure et extérieure de l’individu ne va pas de soi et ne peut le plus souvent se faire rapidement. Le sevrage nécessite de nombreux changements tant intérieurs (physiologiques et psychologiques) qu’extérieurs (de comportement et d’environnement). Il ne suffit pas de démarrer ces changements, faut-il encore qu’ils s’installent profondément ; ce qui nécessite souvent du temps.
Ce processus de changement global de l’individu peut durer plus ou moins longtemps et connaître des aléas. Rien d’étonnant si on songe à la complexité de l’affaire ! Vous étonneriez-vous si un tailleur qui a bien pris toutes vos mesures ne puisse pas vous coudre un costume qui vous aille parfaitement sans essayage ? Plusieurs sont souvent nécessaires. L’artisan ou le bricoleur savent qu’on peut préparer des pièces avec le plus de précision et de soin possibles, il faudra faire des ajustements au moment de l’assemblage.
Le sevrage est beaucoup plus compliqué et difficile que tout ça. Pourtant, le dépendant, son entourage familial et amical, la société dans son ensemble et même parfois les soignants s’interrogent, doutent, se découragent, se fâchent…, s’il ne réussit pas du premier coup. On peut le comprendre parce qu’il y a là de la souffrance, de l’affect.
Chaque sevrage est différent parce que le temps a passé, que des changements évidents ou subtils, extérieurs ou intérieurs se sont opérés entre temps, que la personne et éventuellement ceux qui l’accompagnent sont riches des expériences passées. Le résultat sera donc différent.
Ceci étant, il convient de trouver un juste milieu – variable d’une personne à l’autre, d’une situation à l’autre, d’un moment à l’autre – entre le découragement rapide et l’acharnement qui peut, lui aussi, être tout-à-fait néfaste. Il est parfois souhaitable de répéter la tentative, même à brève échéance. D’autres fois il vaut mieux se poser un peu, reconsidérer la situation, prendre des forces… avant de recommencer. Il peut arriver que la tâche semble irréalisable dans l’état actuel, on peut alors laisser le temps opérer pour changer le contexte.
Au dépendant, de trouver le courage de changer les choses quand c’est possible, la sérénité d’accepter les situations qu’il ne peut changer et la sagesse d’en faire la différence. A son entourage de l’accompagner sans le forcer ou le culpabiliser. Aux soignants d’aider les uns et les autres dans ce cheminement que ce soit dans les phases de transformation, d’adaptation ou de réflexion.