[Site internet] Joueurs info Service

Le site Joueurs info service s’enrichit de nouvelles vidéo. On peut les découvrir ici :

Nouveau groupe de parole, dédié aux joueurs d’argent

Nous vous proposons un nouveau rendez-vous mensuel : un groupe de parole à destination des joueurs de jeux de hasard et d’argent. Il sera animé par une psychologue et un médecin de l’équipe. La première date est le :

samedi 2 avril de 11h à 12h30

à l’hôpital Marmottan, 17 rue d’armaillé, 75017 Paris.

Il se répètera ensuite un samedi par mois.

Toute personne concernée par l’utilisation problématique des jeux d’argent et de hasard peut participer.

L’objectif est de partager et d’échanger ses expériences, d’obtenir des informations et du soutien, mais sans entrer dans l’individualité des prises en charge.

Ces réunions sont anonymes et gratuites.

Inscription auprès du secrétariat de Marmottan : 01 56 68 70 30.

[article] Quels facteurs de vulnérabilité au jeu excessif ?

CP publication scientifiqueCommuniqué – 7 octobre 2015

D’après Blaszczynski et Nower (Revue Addictions 97 :487-499, 2002), il existe trois types de joueurs pathologiques, identifiés selon un modèle « évolutif » :

  • les joueurs « conditionnés », ayant souvent connu des problèmes de jeux dans leur famille ;
  • les joueurs « vulnérables émotionnellement », qui se caractérisent par un comportement dépressif et anxieux ;
  • et les joueurs « antisociaux impulsifs », qui présentent en plus des comportements antisociaux et/ou impulsifs.

Afin de valider la pertinence de ces groupes, une étude portant sur 372 joueurs pathologiques (cohorte JEU de cas témoins suivis sur 5 ans) a été menée par des équipes du Centre Médical Marmottan – GPS Perray-Vaucluse, du CHU de Nantes, de l’Université Paris-Ouest Nanterre la Défense, de l’Hôpital Louis Mourier de Colombes (AP-HP), du CH Sainte-Anne et de l’Hôpital Universitaire Sainte-Marguerite de Marseille. Les joueurs pathologiques ont été classés en groupes correspondant à ceux pré-cités, et soumis à des entretiens cliniques structurés portant sur différents critères : habitudes de jeux, caractéristiques socio-démographiques, croyances et attitudes face au jeu, profil psychopathologique, troubles l’attention, etc.

Une classification de joueurs excessifs pertinente mais à explorer

Les résultats de cette étude tendent à montrer que les caractéristiques et les pratiques des trois groupes de joueurs varient. Si les résultats de l’étude semblent valider l’existence des groupes définis par Blaszczynski et Nower, il apparaît que les groupes de joueurs « vulnérables émotionnellement » et « antisociaux impulsifs » présentent des caractéristiques différentes. A l’opposé, le groupe des joueurs « conditionnés » se situe entre les deux autres et peut difficilement être isolé.

Des pratiques de jeux différentes, influencées par les voies d’entrée dans le jeu

Concernant les pratiques de jeux, on note ainsi que les joueurs « antisociaux impulsifs » préfèrent les jeux reposant en partie sur des compétences (jeux de courses, paris sportifs), tandis que les joueurs « vulnérables émotionnellement » sont significativement attirés par les jeux de hasard (bandit manchot, jeux de grattage). Les joueurs « conditionnés » se situent entre les deux autres groupes et pratiquent pour la moitié d’entre eux les jeux de hasard et pour l’autre moitié les jeux reposant en partie sur des compétences ou des jeux de stratégie.

Deux grandes fonctions psychologiques de l’addiction au jeu

Les auteurs de l’étude proposent une présentation dimensionnelle de cette classification, entre impulsivité et automédication. D’un côté, les joueurs impulsifs, dont le profil ressemble à celui des toxicomanes, préfèrent le poker et les paris sportifs ; de l’autre, des personnes déprimées, anxieuses, jouent dans une optique d’automédication et préfèrent les jeux de hasard purs. Le groupe des joueurs conditionnés serait simplement un groupe intermédiaire.

Cette classification se rapproche d’autres modèles définis dans le domaine des addictions, notamment à l’alcool. L’impulsivité, l’automédication et le conditionnement peuvent être des facteurs décisifs dans toutes les formes d’addiction, avec ou sans substance. D’autres études pourraient permettre d’explorer davantage cette interprétation « fonctionnelle » des voies d’entrée dans les addictions.

Retrouvez l’intégralité de la recherche dans l’article publié dans Journal of Gambling Studies (en anglais, accès payant) :

« Towards a Validation of the Three Pathways Model of Pathological Gambling »

 

Résultats de l’enquête nationale sur les pratiques de jeu d’argent et de hasard en France en 2014

Les résultats de l’enquête nationale sur les pratiques de jeu d’argent et de hasard en France en 2014 viennent de paraître. A noter qu’elle estime à environ 1 million le nombre de joueurs à risque modéré, et 200 000 le nombre de joueurs excessifs en France. Elle chiffre également le jeu des mineurs. Malgré l’interdiction, ils sont un tiers a avoir joué à un jeu d’argent et de hasard au moins une fois l’année écoulée. 11% d’entre eux peuvent être considérés comme problématique (cumul du risque modéré et du jeu excessif).

Lien vers l’enquête : http://www.economie.gouv.fr/observatoire-des-jeux/note-dinformation-ndeg-6-jeux-dargent-et-hasard-en-france-en-2014

 

Livre : Pascasius ou comment comprendre les addictions

pascasius ou comment comprendre les addictions

Pascasius ou comment comprendre les addictions

Dès 1561, en pleine Renaissance, le médecin Pascasisus décrit la passion qui anime le joueur pathologique, la perte de liberté dont il souffre et les raisons pour lesquelles il s’enferre dans la dépendance. Le sang des joueurs est trop chaud, écrit-il, et le jeu leur procure une forme d’ivresse. La passion est entretenue par l’espoir déraisonnable du gain, alors que l’on ne devrait pas attendre tant du simple hasard. A ce mal, il propose un traitement individuel par la parole qui préfigure nos actuelles thérapies cognitives. Mais surtout, la découverte du texte de Pascasius remet en question le relatif consensus qui fait du texte de Benjamin Rush, Des effets des spiritueux sur le corps et l’esprit humains,  l’acte de naissance de l’addiction-maladie.

Pour découvrir son traité sur le jeu, traduit du latin par Jean-François Cottier, ainsi qu’un essai de Marc Valleur et Louise Nadeau en introduction de l’œuvre originale, vous pouvez vous procurer le livre « Pascasius ou comment comprendre les addictions » chez votre libraire ou sur Internet.

Livre publié aux Presses universitaires de Montréal et distribué par SODIS (diffusion Tothèmes)

L’addiction au jeu est-elle une « vraie » maladie ?

Par Marc Valleur / Psychiatre, hôpital Marmottan (Paris)

Publié dans Swaps, n°65, 2012

Les cliniciens, mais aussi le grand public, et tous les nouveaux « addictologues » tendent de plus en plus à considérer le jeu pathologique –la dépendance aux jeux d’argent et de hasard– comme une « vraie » addiction, au même titre que l’alcoolisme ou les toxicomanies. La prochaine édition du DSM, bible nord-américaine en matière de classification des maladies mentales, devrait même comporter une catégorie « addictions », dans laquelle entrera le jeu pathologique. Mais cet élargissement de notre champ ne va pas sans polémiques, et les controverses sont nombreuses, qui portent par exemple sur la possibilité même d’être « addict » à des jeux en réseau sur Internet, ou sur la différence radicale qui devrait être maintenue entre des addictions « avec drogues », (les « vraies »), et des addictions sans drogues (simples symptômes, plus ou moins labiles).

Cette résistance à l’élargissement des addictions tend à une séparation entre ce qui relèverait de la médecine, et serait sous-tendu par la biologie, et ce qui serait de l’ordre de la psychologie ou de la sociologie : d’un côté des pathologies pour lesquelles il convient de chercher les meilleurs traitements médicamenteux, de l’autre des symptômes accessibles à la psychothérapie, sinon de fragiles et provisoires « constructions sociales ».

Un article paru en 2001 dans la revue Science1 résumait ainsi ce clivage : « Behavioral addiction do they exist? Aided by brain imaging advances, scientists are looking for evidence that compulsive nondrug behaviors lead to long-term changes in reward circuitry. »

Les preuves d’existence de la maladie se trouveraient donc dans l’objectivation, dans la mise en évidence de traces organiques dans le cerveau : une maladie non organique n’en serait pas une « vraie ». Nombre d’auteurs se placent donc dans une position d’attente, partant du principe que ces « nouvelles pathologies » ne mériteront un réel droit de cité que lorsque des marqueurs biologiques en démontreront l’existence au plus profond des mécanismes vitaux.

La volonté scientifique de privilégier les données supposées « dures », issues de la biologie par rapport à des données supposées « molles », de psychologie ou de sociologie, explique donc la réticence de beaucoup à inclure dans le même groupe des usages de substances, avec leur versant objectif d’intoxication, et des conduites qui, par définition, sont moins inscrites dans le champ de la biologie, relèvent d’abord de la subjectivité et préexistent à toute objectivation.

Parmi les tenants d’une équivalence entre les diverses addictions, beaucoup pensent que le jeu, comme l’usage de drogues, doit induire des modifications cérébrales, mais les éléments de preuve, ici, ne sont pour l’instant qu’indirects.

La dépendance à une substance psychoactive est en effet évaluée expérimentalement assez facilement, notamment par des épreuves d’auto-administration chez l’animal, alors qu’en matière de jeu, comme pour toutes les addictions sans drogues, il n’existe guère de dispositif expérimental permettant les mêmes mesures. (L’éthologie doit encore progresser pour nous proposer des équivalents, chez le rat, de la dépendance aux machines à sous, au sport, au travail, ou aux relations amoureuses passionnelles et destructrices).

Ne doutons pas que les recherches vont se multiplier, qui finiront par prouver que l’intensité des sensations éprouvées dans les séquences de jeux de casino, mais aussi de jeux vidéo, sans parler des transports amoureux, se traduisent par des modifications tangibles, et possiblement durables, des circuits de récompense. Si des traitements se montrent efficaces pour lutter contre le « craving » d’excitants ou d’alcool, ils auront beaucoup de chances d’être utilisables pour les addictions au jeu. Mais il faut souligner que l’assimilation entre addiction et troubles durables ou irréversibles des circuits cérébraux n’est pas un fait indiscuté et indiscutable.

C’est sans doute l’un des principaux effets des discussions sur le statut du jeu pathologique et des addictions sans drogues en général: la réactivation de débats fort classiques et anciens sur les « modèles de maladie » de l’alcoolisme et des toxicomanies, et des tensions entre des approches issues des sciences de la vie et d’autres, issues des sciences humaines et sociales.

En pratique, il est de toute façon impossible de disposer de quelconques tests biologiques de l’addiction, et le versant physiologique de la dépendance est inféré par l’existence de troubles physiologiques objectifs, qui sont en fait, de façon générale, plus des conséquences de l’addiction que sa définition.  Mais surtout, c’est la notion de « construction sociale » qui doit être interrogée et nuancée, tant elle serait susceptible de s’appliquer à l’ensemble du champ des addictions, sinon à celui de la pathologie mentale. Plutôt que cette notion, le philosophe Ian Hacking a développé celle de « niche écologique » de maladie mentale, et il oppose par ailleurs, plutôt que le « bio » au « psycho », des « genres indifférents » à des « genres interactifs ».

Rappelons que cet auteur a travaillé sur les conditions d’émergence et de disparition de la vogue récente de personnalités multiples aux Etats-Unis (conduisant à l’introduction, dans le DSM, du « trouble dissociatif de la personnalité »), ainsi que sur la « dromomanie », la folie des voyages qui sévit en France à la fin du XIXe siècle. Il en vient à considérer que la naissance de telles maladies relève de la conjonction de quatre « vecteurs » : l’observabilité, l’évasion, la polarité culturelle et la taxinomie médicale. Nous pouvons voir que tous ces facteurs sont tellement présents dans le cas des jeux, et tout particulièrement des jeux sur Internet, que la « cyberaddiction » pourrait tout à fait entrer dans ce groupe des maladies provisoires, que d’autres nomment des « pathologies liées à la culture ». C’est d’ailleurs l’ensemble des addictions qui pose, actuellement, de passionnants problèmes pour la taxinomie médicale, le caractère provisoire de certaines de ces maladies ne les rendant pas obligatoirement moins « réelles » que d’autres.

Que des troubles correspondent parfaitement à ce cadre ne veut toutefois pas dire qu’ils sont « fictifs », que la souffrance des patients concernés n’est pas réelle, et que les efforts des cliniciens pour soigner et pour comprendre sont vains : Hacking pense par exemple que l’hystérie entrait dans ce groupe, et qu’elle n’entre plus dans les classifications actuelles. On peut voir là non un désaveu de la clinique des névroses de Charcot jusqu’à notre époque, mais peut-être une victoire de l’alliance entre un regard psychanalytique et des mouvements de libération de la sexualité, d’émancipation des femmes, de reconnaissance des droits des minorités… Une maladie occupant une « niche écologique » plus ou moins durable n’est donc pas toujours aussi farfelue que la « drapétomanie », maladie des esclaves qui consistait à s’enfuir de leur lieu de travail…

Hacking propose par ailleurs, comme dit plus haut, de distinguer un « genre interactif  » d’un « genre indifférent » : Dans un genre interactif, les sujets concernés par la classification voient leur vie, et leur propre conception d’eux-mêmes, modifiées par cette classification et par les discours qui en découlent (la vie des hystériques a changé en fonction des théories sur l’hystérie, mais aussi celle des autistes, des schizophrènes, etc.). Dans un « genre indifférent  » au contraire, les objets classés n’en sont guère affectés, l’astronomie par exemple ne modifiant pas le cours des planètes.

L’accent mis sur la biologie en matière d’addiction a été, initialement, porté par la conscience aiguë des intervenants de tous ordres du caractère éminemment interactif de ce groupe : tous les discours sur « l’alcoolisme est une maladie comme les autres » ou « l’addiction est une maladie chronique du cerveau « , procèdent de la volonté d’agir positivement sur les différents « addicts « , en minimisant l’impact du regard moral sur ces conduites.

Les recherches scientifiques issues de cette volonté humaniste nous apportent à la fois de précieux renseignements sur les mécanismes d’adaptation de l’organisme à des substances, et des outils médicamenteux divers. Mais cela ne signifie pas que l’addiction est « simplement » un processus biologique, et que les addictions sans drogues ont une consistance ontologique moindre. L’interaction entre conduite et cerveau ne doit pas être pensée à sens unique, dans une réduction
« physicaliste », la psychopathologie se réduisant alors à une neurologie. Il y aurait alors un grand risque de ne prendre en compte que des facteurs individuels, d’ordre génétique par exemple, et de faire l’impasse tant sur la trajectoire individuelle, que sur les facteurs « sociétaux », par exemple l’offre de jeux d’argent de plus en plus addictifs…

Cela peut signifier au contraire que même les conduites les plus humaines, relevant de la psychologie et de la sociologie, peuvent finir par avoir des conséquences d’ordre biologique : la conduite en viendrait, dans ce schéma, à modifier le cerveau, l’âme agissant en quelque sorte sur le corps.

Dans le cas des addictions –de toutes les addictions– on peut considérer que le plus souvent la maladie subjective, le sentiment de perte de liberté, précède les éventuelles conséquences d’ordre physiologique. Mais les deux dimensions devront, chaque fois que c’est possible, être prises en compte dans la clinique : celle-ci, fondée sur la relation à des sujets en souffrance, ne se satisfait pas de clivages disciplinaires, et doit emprunter ses outils et ses modélisations à l’ensemble des sciences concernées, des plus « dures » aux plus « douces ».


1 Holden C, « “Behavioral” Addictions : Do They Exist? « , Science, 2001, 980-982

Les jeux d’argent et de hasard sur Internet en France en 2012

tend85La loi du 12 mai 2010, a organisé une « ouverture maîtrisée à la concurrence » du marché des jeux d’argent et de hasard (JAH) en ligne dans trois domaines : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker. Deux enquêtes menées conjointement afin d’estimer le nombre de joueurs en ligne en dressant leur profil, ont été réalisées deux ans après la promulgation de cette loi, par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et l’Observatoire des jeux (OJD).

Les joueurs en ligne

3,7% des personnes âgées de plus de 18 ans, soit environ 2 millions de personnes, déclarent avoir joué à un jeu d’argent et de hasard (JAH) en ligne au cours des 12 mois précédant l’enquête et un quart de ces joueurs utilisent exclusivement cet outil. Comme pour les jeux traditionnels, ce sont les hommes qui jouent le plus en ligne (57% des joueurs). Internet apparaît davantage utilisé par les jeunes générations et par des joueurs plus diplômés. Plus de la moitié des joueurs en ligne (54,4%) disent avoir recours uniquement à des sites légaux et plus du quart (26,5%) fréquentent à la fois des sites légaux et d’autres qui ne le sont pas ou qui se présentent comme étant hors du cadre de la loi. Près de 2 joueurs sur 10 (19,1%) ne fréquentent que des sites non régulés. Cette offre non régulée concerne une part très importante de femmes. Leur proportion y est quasiment deux fois plus importante que sur les sites légaux (64,5% vs 34%). Ce point paraît lié à leur fréquentation de sites de jeux de tirage et de grattage illicites et à leur pratique de jeux d’adresse, de réflexion ou de chance présentés comme « gratuits ».

La part du jeu problématique

La proportion de joueurs en ligne problématiques dans l’année est estimée à 17% avec 6,6% de joueurs excessifs et 10,4% de joueurs à risque modéré. Les niveaux sont plus élevés pour les jeux non régulés. En comparaison, l’enquête de 2010 sur le jeu traditionnel (i-e en « dur ») estimait alors le nombre de joueurs problématiques dans l’année à 2,8% avec 0,9% de joueurs excessifs et 1,9% de joueurs à risque modérés. Ce résultat, conforme à celui observé dans d’autres pays, traduit un risque plus élevé sur Internet où la part des joueurs occasionnels est moins importante.

Télécharger le n° 85 de Tendances