CP – Restriction par l’ANSM de la prescription du baclofène : préservons la qualité de la prise en charge des patients

Pour sécuriser l’utilisation du baclofène chez les patients alcoolo-dépendants dans le cadre de la RTU, l’ANSM en modifie le protocole en réduisant la dose maximale prescrite dans la prise en charge de ces patients. A compter du 24 juillet 2017, la RTU ne permet plus de prescrire du baclofène à des posologies supérieures à 80 mg/jour.

Nous relayons le Communiqué de presse du pôle médecine générale de la Fédération addiction.

Suite aux résultats de l’étude Cnamts-INSERM portant sur les données de sécurité clinique du baclofène de 2009 à 2015, l’ANSM a limité la posologie maximale de prescription à 80 mg/jour en modifiant en urgence la RTU. Les médecins généralistes que nous sommes et que nous représentons sont surpris et abasourdis.

Nous émettons de fortes réserves sur cette étude qui comporte des biais méthodologiques qu’il serait fastidieux d’énumérer. Nous en citerons deux pour illustrer notre propos :

– L’étude identifie les patients débutant un traitement baclofène et non exposés à un autre traitement de l’alcool dans les 3 années précédentes mais c’était la condition d’inclusion des patients dans la RTU de 2014 à 2017. Donc les 7000 patients inclus dans la RTU sont … exclus de l’étude.

– Concernant la morbi-mortalité, l’étude compare 2 groupes de patients : le premier prend un traitement baclofène à doses croissantes et le second prend les autres traitements de l’alcool mais les 2 groupes ne sont pas semblables au plan de l’âge, de la coexistence de maladies somatiques et de démences, rendant difficile la comparaison.

Pourquoi ne pas avoir réuni le Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) qui avait rédigé les recommandations et règles de prescription du baclofène pour la RTU 2017 ? Pourquoi ne pas attendre les résultats définitifs de l’étude Bacloville?

Les conséquences de l’absence de traitement à dose efficace, comme moyen de réduire les risques et les dommages liés à l’alcool, sont autrement plus lourdes que les inconvénients du baclofène. Les médecins qui assurent depuis des années la prise en charge clinique de patients ayant un problème d’alcool et prescrivent le baclofène à des posologies supérieures à 80 mg/j sont court-circuités. C’est incompréhensible.

C’est pourtant eux qui auront à informer les patients et à expliquer la décision de l’ANSM afin de diminuer leur anxiété. Sa mise en pratique ne va pas être simple. Une diminution brutale des posologies de baclofène pour atteindre le seuil de 80 mg/jour serait dangereuse. La décroissance des doses ne pourra se faire que progressivement avec un accompagnement individualisé du patient. Un certain nombre de médecins généralistes continueront de prescrire, hors RTU et hors AMM, les doses suffisantes de baclofène en assumant leurs responsabilités et avec toute la prudence nécessaire. Des prescriptions qui échapperont au contrôle de pharmaco-vigilance par l’ANSM…

Cette étude apporte des données chiffrées, il faut les décrypter et en comprendre le sens mais elle fait l’impasse sur l’efficacité du médicament baclofène dans les troubles de l’usage de l’alcool, responsables de complications multiples et de 49 000 morts prématurées par an.

La prescription de baclofène est délicate et nécessite une formation qui renvoie à un protocole précis de titration. Elle doit être encadrée par la RTU. Nous demandons la réunion en urgence du CSST pour analyser ensemble les données de l’étude et faire évoluer la RTU.

 CONTACT
MG Addiction

Dr. Xavier AKNINE
Référent
06.15.13.08.77